NOTES

 

C'est confondre la réhabilitation, récente et toute politique, de l'empire romain avec la controverse concernant la bibliothèque d'Alexandrie. Cette dernière remonte au XVIII° siècle. Concrètement, elle tient à la difficulté de mesurer l'ampleur de l'événement: catastrophe civilisationnelle égale, dans le domaine de l'esprit, à la prise de Rome dans celui de l'ordre politique, ou épisode ultime et par lui-même insignifiant d'une longue décadence. Car si personne ne conteste sérieusement que la conquête arabe ait détruit quelque chose, il est difficile de savoir quoi et, accessoirement, si c'était volontaire. Que restait-il de la bibliothèque d'Alexandrie après huit siècles d'effacement de la monarchie égyptienne et après, au moins, deux incendies -celui du siège d'Alexandrie par César et celui de l'insurrection chrétienne approuvée par l'empereur Théodose? Pas grand chose sans doute. L'enjeu de la discussion est donc symbolique. Celui du texte de Hugo est clair: la religion de l'esprit libre contre les religions des dogmes et des pouvoirs; il l'est beaucoup moins ailleurs et on se l'explique: trois incendiaires s'étaient succédé, tous héritiers à des titres divers de la civilisation judéo-hellénistique qui avait resplendi à Alexandrie au III° siècle avant Jésus-Christ: le fondateur de l'empire romain, le grand César, le premier empereur chrétien, Théodose, le premier Calife, Omar.

La position de Matter est voisine de celle de Hugo: d'une part il attribue la décadence de l'école d'Alexandrie à la ruine du polythéisme par « ce puissant ensemble de nouveautés que le christianisme, introduit dans l'empire par les écoles juives, vint établir sur le monde en attendant qu'un chef de Rome l'élevât sur le trône »; d'autre part -et un peu contradictoirement- il voit dans la destruction de la bibliothèque par les lieutenants d'Omar un fait historique majeur.